L'entrée de Rûni

L'entrée de Rûni, même s'il n'y a pas de murs dans le petit village de Rûni, se distingue largement car c'est effectivement l'endroit par lequel sortent tous les habitants, bien qu'on ait du mal à comprendre pourquoi ils ne passent pas par d'autres endroits. Bien des personnes s'y trouvent, comme quelques gardes et le recenseur des aventuriers sadaïmes. Il s'y trouve toute la journée, assis en tailleur et en retrait, mais ses habits et son attitude le détachent du reste des personnes. Il écrit et écrit sans cesse, tenant des listes et des informations que des ennemis payeraient très cher pour les avoir. Mais, à n'en pas douter, le bonhomme sait se défendre. Ou s'enfuir, peut-être. Les aventuriers passent régulièrement le voir et il sort d'un tas de fournitures des tas d'objets utiles qu'il donne aux aventuriers qu'il recense. Les aventuriers sont tellement important pour leurs races ...

[Biographie]

Il me fallut plusieurs jours pour trouver un village digne de ce nom : les cités étaient rares en territoire Sadaïme ! Mais ce n'était pas plus mal car ainsi, j'avais eu tout mon temps pour réfléchir à ce que j'allais faire une fois que je serai à nouveau immergée dans la civilisation. Enfin, réfléchir est un bien grand mot car en fait, je n'avais pas trop d'idées sur mes projets immédiats.

Cela faisait cinq années que je vivais totalement isolée et alors que le sentier devenait plus large, plus usité, je commençais à douter de mes capacités. Et si je ne savais plus parler après ces nombreux mois sans personne à qui adresser quelques mots ?! Sans compter l'année précédente où j'avais été privée de paroles pour des raisons purement physiologiques ...

Chemin faisant, je refis connaissance avec ma voix. J'en avais presque oublié le timbre doux, une des seules choses qui étaient restées intactes après mon 'accident'. D'ailleurs, j'imaginais que ce devait être assez curieux d'entendre ma voix chantante associée à une apparence si monstrueuse ! Je m'exerçai alors à prononcer quelques mots puis, histoire de m'entraîner, pensai à voix haute :

"Comment vont-ils réagir en me voyant telle que je suis ? Kallen, lui, me connaissait et savait ce qui s'était passé. Il n'a donc pas eu peur de moi ... Mais eux ?!"

Alors que les limites du village se dessinaient à quelques pas devant moi, à peine distinctes parmi toute cette végétation, les doutes m'assaillaient.

"Et si j'avais tord de revenir ? Peut-être suis-je condamnée à vivre seule ..."

Je m'arrêtai et me dissimulai un peu plus dans les fourrés, utilisant mes dons pour la discrétion pour rester cachée des Sadaïmes qui allaient et venaient. Tout en les observant - cela faisait si longtemps que je n'avais vu tant de personnes à la fois ! - je me demandai comment j'allais faire mon entrée. Je craignais leur réaction autant que j'avais constaté la mienne la première fois que je m'étais découverte ainsi.

Ils avaient tous de beaux visages, des traits réguliers, un joli teint ... Même les plus quelconques me paraissaient être d'une grande beauté. Mon coeur se serra un peu plus. Déjà, un large fossé se dessinait entre eux et moi, et c'était moi qui le creusait ... Je redoutai de plus en plus de sortir de ma cachette.

(Et si je faisais demi-tour ?! Je retournerais à une vie simple ...)

A la limite de flancher, je restai malgré tout, observant ces hommes et ces femmes marcher sans le moindre souci, en souriant, en se tenant par les mains ou la taille ... Cela faisait si longtemps que je n'avais plus eut le moindre contact ...

Et j'attendis jusqu'au crépuscule. Je m'étais dit que dans la pénombre, on verrait moins mon visage et les gens ne percevraient que ma voix qui, elle, n'avait pas changé. Je regagnai alors le sentier et avançai d'un pas lent et mesuré, à l'affût du moindre danger. Il y avait moins de monde à cette heure et je me sentais déjà un peu plus à l'aise.

A l'entrée même du village, il y avait quelques personnes réunies autour d'un homme fort bien vêtu. Il avait tout de l'homme important et sa dextérité pour écrire sur les parchemins démontrait bien son érudition certaine. Etait-il un écrivain public ?! Curieuse, je m'approchai sans trop me mêler au petit groupe et écoutai, observai.

Les Sadaïmes échangeaient quelques paroles se résumant à des questions et réponses. Le sujet redondant était les compétences de ces personnes et l'érudit prenait des notes et distribuait parfois des choses que je ne parvenais pas à voir car j'étais un peu trop loin.

Après quelques minutes, le petit groupe finit par se disperser et je vis que l'homme bien habillé commençait à ranger tranquillement ses affaires, l'arrivée de la nuit signifiant la fin de sa journée de travail. Le plus sereinement possible, pour ne pas effrayer inutilement le Sadaïme, je m'avançai vers lui et dis simplement, sur un ton un peu hésitant, néanmoins sur mes gardes :

"Bonsoir ... Pourriez-vous me dire dans quel village je me trouve, s'il vous plaît ?"

Le recenseur, rangeant ses affaires, te répond d'une voix monotone :

"Vous êtes à Rûni ici, chère Sadaïme. Mais, le territoire sadaïme est bien petit, ajoute-t-il en daignant lever sa tête vers toi. Vous ne connaissez donc point ses ..."

Il te regarde, stupéfié, l'expression de sa bouche figée depuis le moment où il a arrêté de parler. Il se reprend et continue à ranger lentement comme si de rien n'était.

"Ah, dit-il finalement, lentement. Je vois ... Je ne sais quelle horreur vous a fait cela. Mais, à n'en pas douter, vous êtes une Sadaïme. Vous savez bien qu'ici, ce n'est pas le lieu idéal pour quelqu'un de votre genre, vous risquez d'effrayer vraiment la population du village qui n'est habituée qu'à des petits incidents. Les gardes ont dû vous repérer dès le moment où vous vous êtes approchée de moi !"

Enervé, il enlève d'un geste sa tunique garnie de velours pour apparaître en vraie tenue de voleur, puis disparaît. Moins de trente secondes après, il revient. Sa ceinture laisse entrevoir 2 dagues d'argent et d'or ainsi qu'une dizaine de hachettes de jet de bronze.

Nullement essouflé, il coupe court à tes questions :

"Ca y est, les gardes sont au courant. Mais ne sois pas inquiète si deux ou trois d'entre eux te surveillent, quoique je doute de ta capacité à les détecter. Maintenant, enfin, dis-moi tout. Qui es-tu et que veux-tu ?"

Malgré la pénombre, le Sadaïme ne put manquer de remarquer ma différence. Néanmoins, il fit un effort pour rester courtois et ne s'enfuya pas en courant, du moins, pendant quelques secondes.

Aussitôt, je sentis un mélange de colère et de découragement monter en moi. Il n'avait pas résisté longtemps à ses réflexes de fuite devant mon apparence monstrueuse ! Mais à peine m'en étais-je fait la réflexion qu'il était revenu, dans une autre tenue ! Evidemment, ce n'était pas sa vitesse qui m'étonna mais bel et bien qu'il revienne me voir et poursuive la conversation ...

"De toute manière, ils n'ont pas grand chose à craindre de moi ..." murmurai-je, presque pour moi-même. "Je m'appelle Ghanima et ce que je veux ... A vrai dire, pour l'instant je n'en sais trop rien ! J'avais besoin de voir du monde car ça faisait des années que je n'avais croisé personne ... Y a-t-il des choses intéressantes à faire ici ? Et sais-tu sous quel arbre je pourrais me reposer tranquillement sans qu'on ne me jette quoique ce soit à la figure ?"

Le recenseur, toujours alerte, remarqua évidemment ton attitude agacée et te répondit rapidement :

"Sadaïme, crois-tu vraiment que ton visage m'angoisse ? Tu crois que j'ai peur ? Tu te dis sûrement que j'ai fui devant toi à cause de cela ?"

Il tourna tristement sa tête au loin :

"Tu n'imagines même pas dans quelles conditions nous, les Sadaïmes réquisitionnés pour le territoire, sommes entraînés et traités, et ce que l'on nous fait faire. J'ai vu bien pire, heureusement pour moi j'ai actuellement une position moins terrible."

Il te regarde à nouveau :

"Mais je m'écarte du sujet. Le garde à qui j'ai parlé était à deux doigts de t'immobiliser complètement, voire de te paralyser ou encore de te tuer ! Tu te camoufles en croyant que personne ne te détectera, mais tu n'as même pas idée du danger et de l'hostilité qu'il y a entre certaines races ... et la nôtre."

Il revêtit sa tunique de velours puis te dit :

"J'en ai déjà assez dit. Je ne sais pas pourquoi je t'ai dit tout cela, d'ailleurs. Enfin, pour toi, la seule solution serait de trouver un moyen que tu passes seulement de courts moments avec les autres Sadaïmes. Ensuite, à mon avis, afin de te faire accepter, tu devrais effectuer quelques quêtes ... Je ne sais quoi ... Qu'as-tu déjà appris dans ta vie de Sadaïme ? A ta voix, je vois évidemment que tu ne fais pas partie de la jeune classe des Sadaïmes."

Ce que m'annonçait l'homme ne me surprenait guère. On voulait me tuer ? Eh bien, qu'ils le fassent ... Ca m'arrangerait !

"Je te remercie pour tes suggestions mais ça fait longtemps que je ne nourris plus aucun espoir du côté de mon intégration, où que ce soit ..."

Je gardai un instant le silence, visualisant cette absence d'avenir. Après un soupir résigné, je repris :

"Je n'ai pas appris grand chose ... J'ai passé la majorité de ma vie à m'occuper de mon père. Sinon, j'avais commencé à étudier avec un sorcier alchimiste, à Ranïa ... Mais ça n'a pas duré très longtemps, quelques semaines à peine."

Le Sadaïme te regarde fixement :

"Un sorcier alchimiste, dis-tu ? Peut-être devrais-tu poursuivre dans ce sens là ton parcours, Ghanima, si ainsi tu t'appelles ... Personellement, je n'ai pas grande estime pour les sorciers, mais peut-être qu'après tout ce serait un moyen utile de t'insérer dans la société sadaïme. Dans ce cas, tu serais prête à prendre des risques inconsidérés pour ces Sadaïmes dont tu as peur et te lancer dans des quêtes soit pour ton profit mais aussi lorsqu'on t'appelle, nous, le peuple sadaïme ? Je te préviens, ce statut n'est pas des plus faciles. Tu auras affaire à toutes les misères du monde, à tous les dangers, tout ! Ce n'est pas une décision à prendre à la légère, et je suis bien placé pour te le dire."

Il sort sa dague en or et te dit :

"C'est simple : si tu le souhaites, tu as tracé le chemin de ta vie et me donnera quelques gouttes de sang qui serviront à valider la liste de recensement des aventuriers que je tiens depuis quelques années. Sinon, tu peux essayer de trouver autre chose à faire, mais dans ce cas cela ne me concerne plus."

(Du danger ?! C'est exactement ce qu'il me faut ...)

Plissant légèrement les yeux, intensifiant mon regard, je m'approchai légèrement du Sadaïme et lui murmurai :

"Regarde-moi d'un peu plus près. Crois-tu que je suis née ainsi ? Non ! Tu n'imagines pas toi non plus ce que j'ai enduré alors toutes tes misères du monde ne me font pas peur. Je ne suis pas du genre à craindre les situations difficiles autrement je ne serais pas là aujourd'hui !"

Et en guise de réponse, je tendis ma main fièrement, en fixant le Sadaïme.

Le Sadaïme te répond par un murmure quasi-imperceptible :

"Ainsi soit-il, Ghanima, fille des Tréants, soeur du peuple Sadaïme, Sorcière, Aventurière au service du territoire sadaïme et du peuple sadaïme, ton sang ... est le nôtre."

Il t'entaille doucement le poignet, juste ce qu'il faut afin que quelques gouttes de sang s'en échappent, qu'il receuille agilement de la pointe de sa lame pour les poser sur un papier officiel qu'il remplit.

"Bien. Maintenant, je vais te fournir le matériel et le strict nécessaire pour que tu commences dès demain."

Il fouille dans une charette quelques pas plus loin et fait l'inventaire au fur et à mesure de ce qu'il te donne :

"Alors ... une armure de cuir de sorcière sadaïme, un sac - tout ce qu'il y a de plus basique - d'aventurier, une hache à une main sadaïme basique, un petit bouclier sadaïme et 10 pièces de bronze !"

Il te fixe longtemps, puis te déclare :

"Bien ! Ceci fait, j'ai un tour de garde à respecter cette nuit. Je vais passer à l'auberge avant. Bonne chance !"

Et il part en direction de l'auberge ...

Après lui avoir tendu mon bras, le Sadaïme entailla mon poignet droit et quelques gouttes de sang commencèrent à perler. Aussitôt qu'il ôta sa dague de ma peau, j'apposai ma main gauche sur la blessure pour arrêter l'hémorragie. Je le regardai alors s'activer en silence et bientôt, il revint me donner de quoi m'équiper et quelques monnaies.

(Peut-être devrais-je songer à me procurer une cape avec capuche ... Cela pourrait dissimuler quelque peu mes spicules, ce qui est sans doute le plus effrayant sur moi.)

Alors que le recenseur prenait congé, filant vers l'auberge, je regardai sans mot dire mon poignet droit où une belle coupure bordée de peau rougie ne saignait plus à présent. Si je voulais changer d'avis et me réfugier loin de tout il était dorénavant trop tard. Désormais, mon destin était lié à celui du peuple qui était le mien et je n'avais plus de vie propre, ce qui finalement ne me déplaisait pas car ce n'était pas loin d'une non-existence ...

Quand je relevai la tête, le Sadaïme venait tout juste de disparaître sous une voûte végétale formée par de beaux arbres majestueux et centenaires.

(Il a parlé d'une auberge ... Je devrais y faire un tour pour me sustenter quelque peu !)

Et peut-être même y dormir si l'accueil n'était pas trop mauvais ... Enfin, je verrais bien ! De toute manière, j'ai l'habitude de dormir dehors, sous la protection des arbres. D'un pas assez rapide mais calme, je pris le même chemin que le Sadaïme, prenant soin d'éviter de marcher trop près de mes congénères.

[ Suite ]

J' arrivai enfin à village après ces nombreux jours de marche épuisant.
Je passai le portail d'entré et m'adressai aux gardes: Ou puis-je trouver un maitre voleur dans les environs s'il vous plait ?

Les gardes, néanmoins fatigués et affairés par la perte d'un de leurs camarade un soir des jours précédant ta venue, te répondirent :

"Un maître des voleurs ? Tu peux en trouver un dans le Hall des Voleurs."

"Es-tu sur la liste des aventuriers sadaïmes ? Un voleur devient généralement aventurier."

"Oui, tu devrais en parler avec le Sadaïme chargé des listes, là-bas, dit le premier garde sadaïme en désignant du regard un Sadaïme affairé et plutôt gentillhomme d'apparence."

Celui-ci écrivait hâtivement sur des quantités de papier astronomiques, rédigeait des lettres, donnait des ordres, et se tenait informé des tous les évènements du village.

Je m' avençai prudamment de l'homme qui me tournai le dos. Il était très agité et ses frères Sadaïmes couraient, s'afféraient autour de lui comme une nuée de papillon. Me demandant de quoi résultait cette agitation, je m'adressai à l'homme:
"Bien le bonsoir ! Je m'appelle Rohann fils de .... " et je lui racontai mon histoire, et mes souhaits de devenir un aventurier combattant pour les Sadaïmes, et d'être accepté comme membre du village. " Un voleur discrèt est toujours utile pour un groupe; comme un assassin talentueux est utile à une nation. Je peut vous être utile en de nombreuses choses."

"Tu souhaites devenir un aventurier au service du village sadaïme ? Réfléchis bien à ce que tu t'apprêtes à faire, c'est un grand pas vers ton avenir qui te liera à jamais et tu pourrais venir à le regretter. Je te laisse le choix : tu pars, ou je prends ton sang, et tu restes."

Le recenseur te dévisage longuement pendant que tu réfléchis à ta réponse afin qu'elle ne soit pas trop inpromptue, malgré le feu ardent de la jeunesse qui t'anime.

"Les voleurs sadaïmes sont la fierté de notre race. Tu auras de plus de la concurrence, tu dois faire face à ton orgueil et réfléchir."

Il soupire puis, en attendant, continue son travail.

Après avoir longuement réfléchit de nombreux jours...je me décidai. Je n'avais après tout que ce seul espoir de devenir un aventurier pour gagner ma vie. Je me rapprochai lentement du Sadaïme sadique et lui présentai mon bras nu dans un geste qui devai celler ma vie à jamais...

Etonné par ce geste sans réponse, le Sadaïme recule. Puis il prend lentement sa dague en or et te fait une coupure de laquelle il récolte quelques gouttes de sang et prononce les paroles rituelles :

"Ainsi soit-il, Rohann, fils des Tréants, frère du peuple Sadaïme, Voleur, Aventurier au service du territoire sadaïme et du peuple sadaïme, ton sang ... est le nôtre."

Puis il signe le papier officiel, le range et fouille dans la charette :

"Attends un peu ici, je vais te trouver de l'équipement pour débuter !"

Tout en sortant les objets, il en fait l'inventaire :

"Alors ... Une tenue de voleur sadaïme, une dague sadaïme et 10 pièces de bronze ! Voilà pour toi !"

En te rendant les objets, il te chuchote :

"Je vais devoir y aller. Il y a beaucoup, oui, beaucoup d'action ces temps-ci. Au revoir, jeune voleur ..."

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Lorsque j'arrivai en vue du lieu désigné communément comme l'entrée officielle de Rûni, je vis que malgré l'heure matinale, il y avait déjà là quelques Sadaïmes discutant à voix basse, l'air grave. Sans doute devaient-ils discuter des évènements de la veille : l'assassinat du garde.

Pas loin, je reconnus le recenseur qui décidément avait l'air de n'avoir jamais le moindre repos, discutant avec un jeune Sadaïme qui s'équipait. Peut-être était-il un nouvel aventurier, comme moi ...

(Bienvenue au club !) pensai-je à son attention.

Tout en passant à une bonne distance du recenseur, je fis un signe de tête pour le saluer lorsque je traversai son champ de vision puis, m'engouffrai sous la voûte végétale ...

[ suite ]

Je remerciai le Sadaïme, et, prenant dans mes bras ma tenue et mon arme comme si elles étaient des reliques, je me dirigeai vers le cœur de la ville pour découvrir cet endroit nouveau et inconnu à mes yeux.

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La nuit était bien avancée et, même si je ne les distinguais pas, je me doutais que les gardes devaient être encore plus à l'affût du moindre danger. Me souvenant des paroles du recenseur à leur sujet, je décidai de me découvrir et baissai la capuche de ma cape épaisse. Ainsi, ils me reconnaitraient et sauraient que je ne représenterai pas de danger pour eux, en tant qu'aventurière sadaïme. Mais jusqu'à quel point pouvais-je compter sur cette affirmation ? Doutant néanmoins de leur sagesse et sang-froid, je restai sur mes gardes.

Je poursuivai ma route silencieusement et cherchai la présence du recenseur une fois fois arrivée à l'entrée ...

Les gardes invisibles ne manifestent pas leur présence. Ne voyant personne à l'entrée du village, tu t'apprêtes à repartir lorsqu'un Sadaïme sort de l'ombre. C'est le recenseur.

"Ghanima ! Des nouvelles du marais Assïa ?"

Tout était calme ce soir, ce qui n'était guère étonnant ... Outre l'heure qui avait conduit chacun à aller se reposer, les récents évènements devaient pousser chacun à doubler de prudence, notamment les gardes. Que je ne les vois pas ne me surprit donc pas. Mais je ne voyais pas non plus le recenseur. Sans doute était-il lui-même à l'abri ... Peut-être à l'auberge, comme la veille.

Je décidai donc qu'en désespoir de cause, j'irais là-bas ... Soit je l'y trouverais, soit cela attendrait le lendemain et irais me reposer. Mais un mouvement me mit sur mes gardes et je me retournai vivement, la main serrée sur le manche de ma hache. Sortant de l'ombre, un Sadaïme. Je reconnus le recenseur qui venait aux nouvelles ... Je baissai aussitôt mon arme et lui répondis à voix basse :

"Oui ... Des nouvelles préoccupantes devrais-je préciser. Je pense qu'il vaudrait mieux en parler dans un coin tranquille, à l'abri d'oreilles indiscrètes ..."

Le recenseur approuve d'un signe de tête :

"Très bien, l'aubergiste nous prêtera une pièce réservée à cet effet. Allons-y !"

D'un pas rapide il s'engage dans les ruelles de Rûni.

Le recenseur sembla accepter ma proposition et me suggéra de nous rendre à l'auberge où on nous laisserait à disposition une pièce pour parler plus librement. 'Librement' ... Combien de temps resterons-nous libres de nos mouvements et pensées ? J'avais la désagréable impression que quelque chose d'important se jouait à notre insu et que quelqu'un tirait des ficelles invisibles, s'amusant à nous faire agir tel des marionnettes.

Le Sadaïme partit dans les sentiers boisés de Rûni et je lui emboîtai le pas en silence ...

[ suite ]

Je revenai de mon périple tout crasseux et couvert de boue : ce fut peut-être pour ça que les gardes ne me reconurent pas du premier coup. Voyant leurs regards fatigués par les longues heures de garde et par la nuit noire, je me disai que l'aventurier avait quelques avantages, comme aller à la taverne quand bon lui semblait ! Je m'y dirigeai donc.

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J'étais aux limites Est de Rûni. Le recenseur était là, fidèle à sa fonction, recueillant les informations d'un Sadaïme volontaire pour une vie au service de notre magnifique territoire.

(Encore heureux qu'il mérite d'être protégé car c'est loin d'être la panacée que de le servir en se rendant chez ces Elfes de la Nuit !)

Arrivée à sa hauteur, je fis un signe discret de la main, indiquant qu'à présent je partais remplir ma mission ...